Prêt in fine,
Décision Cour de cassation 13 avril 2010
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont souscrit chacun, dans le but de se constituer un complément de retraite, un contrat d'assurance vie dénommé Cardif multi plus auprès de la société Cardif assurances vie (l'assureur) par l'intermédiaire de la société ACCC assurance (le courtier), optant pour une garantie en unités de compte placées en parts d'organismes de placements collectifs en valeur mobilières (OPCVM), moyennant un versement initial en capital de 42 500 francs (6 479,08 euros) et des mensualités minimales de 500 francs (76,22 euros) ;
qu'en mars et avril 2000, de nouveaux versements ont été effectués, financés par un prêt in fine de 460 000 francs (70 126,55 euros) d'une durée de huit ans consenti aux époux X... par la société Prêts et services aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personnal Finance (la banque) ; que constatant la baisse de valeur de leurs portefeuilles, et reprochant aux trois prestataires d'avoir manqué à leurs obligations de conseil, d'information et de mise en garde en leur proposant des produits inadaptés à leur situation financière et à leurs objectifs, M. et Mme X... les ont assignés aux fins de voir prononcer la résolution des contrats, demandant subsidiairement à être indemnisés de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... reprochent à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en
ce qu'il a rejeté leurs demandes dirigées
contre la banque, alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier qui accorde un prêt n'est pas dispensé de son devoir de
conseil par la présence d'autres professionnels concourant à la réalisation de
l'opération financière ; qu'en écartant la responsabilité de la banque au seul
motif que cette dernière n'aurait pas eu de contrôle ou de directives à fournir
sur l'utilisation des sommes prêtées en raison de l'intervention d'un courtier
et d'un assureur pour l'opération considérée, la cour d'appel a violé l'article
1147 du code civil ;
2°/ que le banquier qui concourt à la réalisation d'une opération financière
doit délivrer à son client des conseils adaptés à sa situation personnelle ;
qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque
n'avait pas manqué à son devoir de conseil en s'abstenant d'attirer l'attention
de ses clients, qui entendaient se constituer un complément de retraite et ne
courir aucun risque, sur les dangers inhérents à la souscription d'un prêt in
fine en vue de souscrire un contrat d'assurance vie dont le produit susceptible
de varier, devait à l'échéance permettre de rembourser le prêt, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que le banquier qui concourt à la réalisation d'une opération spéculative
présentant un risque particulier doit délivrer à son client une mise en garde
spéciale ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si
la banque n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde en s'abstenant
d'attirer l'attention de ses clients, qui entendaient se constituer un complément
de retraite et ne courir aucun risque, sur les dangers inhérents à la
souscription d'un prêt in fine en vue de souscrire un contrat d'assurance vie
dont le montant susceptible de varier, devait à l'échéance permettre de
rembourser le prêt, quand une telle opération présente un caractère spéculatif
puisqu'elle amène l'épargnant à placer dans des valeurs financières des sommes
dont il n'est pas titulaire et lui impose de réaliser ces valeurs à une date
fixe, celle à laquelle il doit rembourser le prêt, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que M. et Mme X... n'ont pas invoqué devant la cour d'appel un manquement au devoir de
mise en garde du banquier dispensateur de crédit ; que le moyen est nouveau
et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X...,
le prêt in fine n'avait pas pour objet la souscription d'un contrat
d'assurance-vie, laquelle était intervenue précédemment et sans l'intervention
de la banque ;
Attendu, enfin, que l'arrêt constate que les produits proposés étaient constitués
par des FCP ou SICAV investis en obligations, instruments de taux d'intérêts et
actions françaises ou étrangères, pouvant être soumis à un risque de change ;
qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir qu'en
l'absence d'opérations spéculatives présentant un risque particulier que les
clients ne sont pas en mesure d'apprécier, la banque n'était pas tenue envers
M. et Mme X... d'une obligation de mise en garde, la cour d'appel a légalement
justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ; D'où il suit que le moyen irrecevable en sa première
branche, et qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n'est pas fondé
pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen, - Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M.
et Mme X... dirigées contre l'assureur
et le courtier, l'arrêt retient que les conditions générales des contrats
souscrits par les intéressés, qui leur ont été fournies, exposaient le système
de placement proposé, précisant que chaque unité de compte correspondait à une
part d'OPCVM, que la valeur de cette unité de compte évoluait en fonction des
fluctuations des marchés financiers, qu'il n'y avait pas d'engagement de
rendement ou de plus value et qu'il est notoire que les évolutions des marchés
boursiers ne sont pas toujours à la hausse; qu'il relève encore que lors des
versements complémentaires, M. et Mme X... ont pris connaissance des
descriptifs des actifs correspondant aux unités de compte choisies, de leurs
caractéristiques et de leurs risques ;
Attendu qu'en se déterminant par tels motifs, sans rechercher si la publicité délivrée à M. et Mme X... était
cohérente avec l'investissement proposé et mentionnait le cas échéant les
caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui
pouvaient être le corollaire des avantages annoncés, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale ;
Sur le troisième moyen, qui est recevable - Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. et Mme X... dirigées contre le courtier, l'arrêt retient que le contenu des
contrats souscrits montre qu'ils ont été informés sur le type de placement et
produits financiers choisis et ses possibilités de fluctuation et qu'ils étaient
avisés, lors de la souscription de leurs placements, de la nature de ceux-ci et
de leurs caractéristiques, dont celle d'être rattachés aux marchés boursiers et
donc nécessairement soumis aux variations de ceux-ci, que l'existence d'un
manquement aux devoirs d'information et de conseil n'est donc pas caractérisée
;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, quand elle relevait que M. et Mme X... alléguaient
avoir effectué ces placements pour se constituer un complément de retraite ce
que ne contestait pas le courtier, sans rechercher si ce dernier, tenu d'un devoir de conseil sur les caractéristiques
des produits d'assurance qu'il propose et sur leur adéquation avec la situation
personnelle et les attentes de ses clients, s'était acquitté de ses obligations
préalablement à la signature du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale ;
(Cour de cassation, Chambre commerciale,
13 avril 2010 - N° de pourvoi: 08-21334 - Cassation partielle)
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